samedi 29 décembre 2018

#MAVOIX (2016) : histoire d’une innovation démocratique

Celles et ceux qui me connaissent le savent, ma vie a été bercée par #MAVOIX en 2016 et 2017. Ils le savent d’autant mieux que je me suis fait le prosélyte de ce collectif sur mes réseaux sociaux.

Les mois ont passé et les Gilets Jaunes sont là pour me rappeler que nous n’étions pas tellement en dehors des clous. Nous étions par contre certainement un peu trop tôt, et assurément en pleine vague macroniste.

Les mois ont passé et j’ai eu envie de revenir sur cette histoire qui est restée écrite avec un petit h.

#noussommescellesetceuxquenousattendions

Pour moi, tout cela a commencé fin 2015. Une copine-qui-me-veut-du-bien m’avait parlé d’un collectif en train de se monter et qui devrait me plaire.

Fin 2015, avec beaucoup de concitoyen-ne-s, je pleurais Charlie Hebdo et je me redonnai espoir en regardant Demain, le documentaire écolo-post-moderniste de Cyril Dion. Avec ma copine, nous discutions de nos cœurs et de nos tripes et je lui exposais mes envies et mes combats. Nous avions des idées d’événements, mais rien de bien concrets car ponctuels et sans travail de fond. Il faut dire que ma copine est plutôt du genre révélatrice de supers-pouvoirs, alors que moi je suis plutôt du genre lanceur d’initiatives, fort de mon super-pouvoir de connecteurs d’idées et d’humains.

17 mars 2016 : hacker l'Assemblée Nationale

Ma copine m’a invité à une première réunion le 17 mars 2016 dans un troquet de Strasbourg. Nous sommes une trentaine de personnes, tous en manque de combats politiques au sens noble du terme, des citoyennes et des citoyens désespérés du manque d’envergure des élus et partis, notamment Verts, PS, PC et Modem. Tous déçus et pourtant désireux d’être utiles pour améliorer la vie et la santé des Terriens et de la Terre. En toute modestie. 

Les organisateurs nous présentent #MAVOIX, un collectif composé de quelques personnes qui ont envie d’élire à l’Assemblée Nationale des députés tirés au sort qui seraient les porte-paroles des citoyens souhaitant, grâce à des outils favorisant l’intelligence collective, co-construire et co-décider en temps réelle des Lois qui régissent nos droits et devoirs. Le retour d’une démocratie réellement participative dans une France où le pouvoir politique a depuis longtemps emprisonné son peuple dans une peine de cinq ans entre chaque élection. Elire un jour, se taire … cinq ans.

Les trois animateurs de la rencontre nous proposent d’abord de visionner une vidéo qui avait été réalisée fin décembre par quelques personnes. Trois minutes et onze secondes plus tard, nous savons tous pourquoi nous sommes réunis ici ce soir. Entre temps, nous avions vu des bouches de tous les âges et de toutes les couleurs débiter une suite de phrases formant un ensemble de convictions constituant l’ADN de #MAVOIX. 


A la suite de la vidéo, on nous explique que la réunion se tient à Strasbourg car un député du coin venait de démissionner pour raison de santé et que se profilait donc la dernière élection législative partielle possible avant le scrutin national de 2017. Pour #MAVOIX, cela représentait une opportunité de tester la mobilisation du collectif si des contributeurs de Strasbourg acceptaient de se lancer dans la campagne. De plus, la semaine précédente, des contributeurs de toute la France avaient voté à 82% pour leur engagement à soutenir la campagne de Strasbourg si un collectif local se créait et se mettait en mouvement. 

La question était donc de savoir si parmi les personnes présentes, certaines seraient partantes pour mener une campagne électorale. La date de la partielle était connue et fixée au 16 mai 2016. Mais comment on fait ? Qui est le candidat ? Qui va nous aider ? Qui va nous financer ? Devons-nous créer un parti ? La seule certitude que nous avions, c’était que le temps pressait.

L’un des participants a alors proposé un tour de table pour savoir si l’un.e d’entre nous voulait être candidat.e. On a vite compris que ce participant le souhaitait ardemment. Quand mon tour est venu de prendre la parole, alors que certains pensaient que je serais volontaire, j’ai expliqué que je pensais vraiment que c’était la génération de mes parents et la mienne qui avions failli quelque part pour en arriver là et que je ne me voyais certainement pas représentatif d’un futur différent. Par contre, prêt à aider, oui tout à fait.

Après ce tour de table, l’idée a germé de mettre des noms dans une urne pour voir qui pourrait être le représentant de #MAVOIX à Strasbourg. Après discussion, on en a tous conclu que l’idée d’un tirage au sort entre nous ne rimait à rien et qu’un tirage au sort plus large pourrait effectivement être beaucoup plus intéressant. Avis aux amatrices et aux amateurs !

Sur ces conclusions, l’un des participants a proposé aux personnes intéressées de se revoir le lundi suivant pour élaborer le plan d’actions de la campagne. Dans la soirée, je publiais l’annonce de la réunion suivante sur la page Facebook de #MAVOIX.

24 mars : rencontre publique

Nous étions une trentaine une semaine plus tôt, nous nous retrouvons à une douzaine aujourd’hui. La question : comment aller faire connaître #MAVOIX ?

Très vite, deux idées émergent : des réunions de type Tupperware pour sensibiliser des ami.e.s et des ami.e.s d’ami.e.s ; ou bien des rencontres dans des lieux publics pour rencontrer les futurs électeurs et leur expliquer notre approche. Très vite, c’est cette seconde option qui a été retenue et rendez-vous est pris le lundi suivant pour affiner cet événement.

Pendant ce temps, des conférences téléphoniques et vidéos étaient organisées avec des contributeurs de toute la France pour imaginer comment trouver des candidats #MAVOIX, définir les modalités du tirage au sort des candidats et les possibilités juridiques, co-construire les supports de communication et organiser le financement de la campagne.

Quelque part en France, certains ont alors imaginé de publier une offre d’emploi pour recruter un député en toute transparence : missions, salaire, profil recherché…

 
De notre côté, je me souviens encore parfaitement de cette soirée au cours de laquelle nous avons eu l’idée géniale de créer une affiche-miroir qui résumerait parfaitement notre concept : peu importait le candidat, l’essentiel étant de redonner espoir à chaque personne se reflétant dans l’affiche #MAVOIX en lui expliquant qu'elle pourrait porter ses idées, sa voix et son vote à l’Assemblée Nationale.

25 mars au 5 avril : #MAVOIX rech. Député.e

A peine l’annonce est-elle publiée sur notre page Facebook que déjà les premières candidatures arrivent de toute la France, des profils de tous âges et de toutes les cultures : sous forme de textes ou des vidéos, toutes ces « lettres de candidature » auront en commun de délivrer un message ambitieux, positif et constructif. Devant tous ces messages, notre responsabilité est décuplée, tout comme notre engouement.


Dès le 28 mars, des contributrices de Science Po Paris conçoivent le MOOC de formation #MAVOIX destiné aux postulants-candidats : un impératif de formation vivement recommandé à celles et ceux désireux d’être le/la candidat.e et son/sa suppléant.e.

28 mars : rencontre publique

Nous ne sommes plus que six réunis autour de la table, mais tous très motivés pour organiser ce premier happening public. Si nous voulons « hacker l’Assemblée Nationale », nous devons en effet commencer par hacker les esprits et les lieux publics.

Nous nous mettons d’accord pour organiser cette première rencontre le samedi 4 avril, reste à définir le lieu. La Place Kléber nous semblant trop touristique et de passage, nous optons pour la Place de la République, davantage un lieu de flânerie, mais aussi pour son nom et pour la Préfecture qui avoisine, la Préfecture étant un peu notre Assemblée Nationale décentralisée… Dès le lendemain, je publie un événement sur la page Facebook de #MAVOIX, et advienne que pourra.

Nos rencontres étant publiques et promues sur les réseaux sociaux, parmi les participants figurent parfois des journalistes. C’est l’occasion de valider la posture de notre collectif avec les journalistes : pas d’interview car personne ne peut représenter le collectif, mais la possibilité offerte aux journalistes de participer, comme tout citoyen, à nos événements et de raconter leur expérience vécue. C’est le cas avec la venue d’une journaliste qui est parmi nous et qui publie le premier article de l’histoire de #MAVOIX dans de Rue89strasbourg le 31 mars. Sa conclusion dubitative ne fait que renforcer notre motivation. 

36 mars (4 avril) : Nuit Debout débarque…

Quelques jours avant la date de notre première rencontre dans un espace public, voilà que le mouvement Nuit Debout se décline à Strasbourg et choisit pour cadre… la Place de la République.

Très vite, cette décision nous questionne. Sommes-nous en phase ou en totale opposition avec eux ? Se présenteront-ils aussi à la législative ? Que pensent-ils de nous ? Nous connaissent-ils seulement ? Restera-t-il de la place pour qu’on puisse organiser notre événement le samedi suivant ? Comment exister et nous faire entendre face à cette contestation déjà médiatisée nationalement depuis plusieurs jours ?

À notre grande surprise, la réponse à nos questions intervient quelques jours plus tard quand Nuit Debout annonce sur sa page Facebook strasbourgeoise qu’ils organisent un grand rassemblement samedi 9 avril avec banquet citoyen, concerts et une « expérimentation démocratique avec le collectif #MAVOIX » !

En moins de quinze jours, notre simple collectif de bénévoles muni de notre seul concept est déjà devenu un acteur reconnu par la sphère officielle et la sphère alternative tout à la fois.

9 avril : première rencontre sur une place publique

Comme nous l’avions co-conçu, nous installons des cordes à linge et des Bristol exprimant des débuts de phrases :

> Si j’étais élu(e) à l’Assemblée Nationale, je lancerais un débat sur…
> J'aimerais que dans la vie de ma cité, il y ait plus de…
> J'aimerais que dans la vie de ma cité, il y ait moins de…
> Si j’étais élu(e) à l’Assemblée Nationale, je… 


A peine commençons-nous à pince-à-linger nos Bristols que déjà des passants engagent la conversation avec nous et commencent à écrire leurs suites des phrases, celles-ci attirant d’autres passants et suscitant autant de nouvelles discussions entre eux. CQFD. Alors que nous n’avions jamais fait cela de notre vie, nous vivions en direct la réalité d’échanges politiques et démocratiques dans la bonne humeur. Autant dire que notre joie et notre excitation sont au rendez-vous. 

Pendant ce temps, dans le reste de la France, les contributeur.trice.s continuent de s’activer et ce même week-end, ils organisent une visite de notre future maison : l’Assemblée Nationale ! De mémoire d’huissiers travaillant là-bas, c’est la première fois que des visiteurs leur adresser la parole pour comprendre leurs métiers et les us et coutumes de ce lieu qui incarne la République.

16 avril : premier tirage au sort de l’Histoire de France pour un candidat à une élection législative

Sur la Place de la République, devant l’impressionnant Palais du Rhin, nous avons installé une tonnelle pour organiser le tirage au sort de notre candidat.e, officié par un notaire strasbourgeois que nous avons sélectionné. Face à nous, de nombreux contributeurs venus de toute la France, des sympathisants et des journalistes, crayons en main ou caméras à l‘épaule.

Nous avions informé notre notaire que le premier tirage au sort consisterait à désigner le sexe du candidat. Deux bulletins dans l’urne et le sort désigne un homme. Nous aurons donc UN candidat et UNE suppléante.

Puis vient le tirage au sort de chacun des seize postulants pour les classer dans l’ordre en cas de désistement. Le tirage au sort désigne ainsi Daniel comme le premier candidat de l’histoire du collectif #MAVOIX. A peine, son nom est-il issu de l’urne que déjà les journalistes essayent de deviner de qui il s’agit. Mais nous avions anticipé cela en décidant de ne surtout pas médiatiser notre candidat car il n’est que le représentant officiel de chaque citoyen : notre posture médiatique de non-personnification reste ainsi valable après le tirage au sort. Devant l’étonnement des journalistes, et après la fin du tirage au sort, nous invitons toutes les personnes présentes à participer à nos ateliers de co-construction des outils de notre campagne. 


Parmi les journalistes présentes, la correspondante de Libération nous avait écrit pour nous demander si elle pouvait venir le samedi précédent. Nous lui avions expliqué notre posture et répondu qu’elle serait évidemment la bienvenue, comme tous les participants. Quelques jours plus tard, elle nous avait écrit qu’elle était venu mais qu’elle n’avait pas trouvé d’angle d’attaque pour raconter notre collectif et qu’elle reviendrait donc pour le tirage au sort. Après celui-ci, alors qu’elle s’apprêtait à repartir, nous lui avons proposé de venir boire un verre festif avec nous pour clore cette journée historique, ce qu’elle accepta volontiers. En tout, elle aura ainsi passé deux samedis à nos côtés, soit près d’une dizaine d’heures, pour s’imprégner et comprendre les attentes et les espoirs des uns et des autres. Résultat, une double-page centrale dans l’édition nationale de Libération parue le 18 avril.

25 avril : dépôt de notre candidature à la Préfecture

Comme à notre habitude, nous avions lancé une invitation publique pour accompagner notre candidat et notre mandataire financier à la Préfecture. Ambiance festive et vidéo-live pour faire profiter les soutiens de ma voix dans toute la France. Quand nous sommes entrés dans le bureau de dépôt des candidatures, nous avons discuté avec les trois agents publics présents. Même étonnement de leur part quand ils nous ont fait remarqué que nous étions les premiers à nous intéresser à eux, alors que « les autres candidats se contentent d’expédier froidement leurs formalités administratives ». Vivement un autre monde.

2 mai : pose de la première affiche officielle de #MAVOIX

Damien, Lionel, les deux Daniel, Marc et moi : nous sommes six pour cette première journée de collage sur les panneaux officiels. La première affiche collée le sera devant le Lycée René Cassin, Rue Schoch, à Strasbourg.


La pose des affiches est en fait une opportunité de communiquer avec les passants. Je prends des photos, je fais des interviews vidéos. Selon leur acord, je filme ainsi l'affiche, ou leur bouche ouleur visage tout entier.

« Qui me représente le mieux ? » questionne notre slogan au-dessus du miroir de notre affiche. En voyant leur reflet sur l’affiche, les gens sont intrigués et la conversation s’engage facilement. Tous se montrent très intéressés par la démarche. Et dans les yeux de celles et ceux qui ne votent plus, je vois vite rejaillir une lueur d’espoir.


Quelques jours passent et les photos prises se retrouvent dans la plupart des médias français intrigués par ce nouveau mouvement collectif et séduits par le concept de notre affiche-miroir. 

Quant à nos interviews vidéos, ils affichent plusieurs milliers de vues, preuve d’un intérêt largement partagé.

22 mai : 1er tour de l'élection législative partielle de Strasbourg 1

Nous avons hébergé de nombreux contributeurs venus des autres régions françaises pour vivre cette nouvelle journée historique et nous aider à partager avec le reste du pays notre dernière campagne d’affichage (lever à 6h du matin), notre participation au décompte des voix dans les différents bureaux de vote, et l’annonce des résultats finaux à la Mairie de Strasbourg.

Sans surprise, c’est l’assistant parlementaire du député PS démissionnaire qui arrive en tête, devançant largement le candidat des Républicains. Alors qu’il était filmé par Arte en train de faire son clientélisme sur un marché strasbourgeois, cet assistant nous avait traités de populistes, nous reprochant notamment de ne pas connaître notre territoire. Pour la petite histoire, l’assistant sera élu au second tour mais laminé un an plus tard par un Macroniste bien éloigné de ce même territoire. A propos de Macroniste, la moitié de leurs candidats 2017 allaient être tirés au sort après une présélection… 

Et #MAVOIX dans tout ça ? 

Et bien, nous avons été les premiers surpris : 598 électeurs avaient déposé dans l’urne un bulletin sur lequel l’expression #MAVOIX s’affichait en gros caractères, les noms de notre candidat et de sa suppléante étant écrits en petits caractères. Total : 4,25% des suffrages exprimés. 

Après cinq petites semaines d’existence en partant de rien, fort d’un formidable élan d’intelligences collectives réunies, notre collectif terminait septième des 12 candidats en lice.

Un simple collectif de citoyen.ne.s avait donc réussi à faire tirer au sort un candidat qui s’est présenté officiellement à une élection légistative. 

Au-delà de cette première dans l’Histoire de France, nous avions pu mesurer l’intérêt suscité par les idées et le concept que nous défendions. 

C’était la première fois qu’un collectif à la gouvernance horizontale, sans chef, sans adhésion, se présentait à une élection législative pour porter les voix de toutes les Françaises et de tous les Français. 


Un an plus tard se déroulaient les élections législatives nationales #MAVOIX se présentait dans 43 circonscriptions de France et de l’étranger. Strasbourg était à nouveau de l’aventure.

Tous mes remerciements à Adeline's, Andrea, Isabelle, Manon, Maria, Mary-Laure, Véronique’s, Quitterie, Stéphanie, Abel, Aldo, Damien's, Daniel’s, David, Frédéric, Hubert, Lionel, Marc, Manu, Patrick, Philippe's, Thierry, Thomas, Toàn, et tous les contributeur.trice.s que je ne peux citer ici.

Liens utiles

mardi 9 octobre 2018

e-moi, mon double électronique (#HICamp 1)


Mon rôle dans ma boîte (ÉS) consiste notamment à booster l'innovation. Et en l'absence de R&D intégrée, mon plan d'action vise à multiplier les occasions d'open innovation internes et externes. Pour l'open innovation externe, nous avons imaginé avec Alsace Digitale un événement annuel : le Hacking Industry Camp (#HICamp) dont la quatrième édition aura lieu ce week-end à Strasbourg.

Pour m'imprégner et faire évoluer le #HICamp, j'ai décidé de le vivre intensément de l'intérieur.


L'an dernier, j'avais porté un défi pour booster la transformation numérique des stades et des supporters (SuperKop 4.0). 

Cette année, j'ai imaginé un défi plus technologique autour de la blockchain : e-moi, mon double électronique


La semaine dernière, mon entreprise m'a interrogé pour en parler. Voici mes réponses.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous lancer dans l’aventure HIC ? 


Moi qui suis féru de sport collectif et de #sérendipité (le mot est peu connu et je vous invite vraiment à le googliser), je raffole de ces événements qui favorisent des rencontres entre des personnes qui ne se connaissaient pas 24h plus tôt. En cela, le #HICamp est magique. En plus, ce sont 54h intenses, stimulantes et apprenantes ! Et c’est plutôt rare de nos jours.

Qu’attendez-vous de votre participation ? 


Je porte un défi autour d’une technologie, la #blockchain, dont les applications possibles requestionnent nos modèles économiques et sociétaux. Comme pour toute innovation de rupture, je sais que le chemin est long et qu’il va falloir acculturer et rassurer nos responsables pour les aider à prendre des décisions en toute connaissance de cause. En cela, mon défi, « e-Moi, mon double électronique », m’aidera à montrer le champs des possibles pour ÉS. Mais aussi pour une banque, car je porte ce défi avec Didier Altide, mon alter ego en charge de l’innovation à la Caisse d'Epargne Grand Est Europe.

A J-3, il est encore temps de rejoindre ma team pour relever ce défi avec mes amis co-fondateurs de Blockchain Valley ! S'inscrire au #HICamp, c'est par ici !




dimanche 7 octobre 2018

L'expérience digitale : 100% ou rien

Vivre ou ne pas vivre une expérience digitale


Cet été, j’ai traversé les pays scandinaves et, outre les magnifiques paysages, j’ai été bluffé par mes diverses expériences digitales. Au point d’avoir l’impression de revenir au Moyen-Âge en revenant en France.

Pour essayer de partager avec vous mes ressentis et mes étonnements, positifs et négatifs, je vais reprendre deux terminologies qu’un collègue utilise fréquemment : les pépins et les pépites.

Une carte de paiement internationale


Si l’euro est utile en Finlande, j’ai dû trouver une solution de paiement pour éviter des frais bancaires avec la couronne danoise, la couronne suédoise et la couronne norvégienne.

Les pépins
  • Les frais bancaires
  • Les frais de commissions
  • Les éventuels facilités de paiement par virement
  • L’information assez raide sur l’état du compte

Ma banque française, c’est la BNP. Oui, je sais ce que vous allez me dire. Et je suis comme 90% des Français : je rêve de changer de banque mais je ne le fais pas parce que  je me dis que ce sera compliqué. En plus, la BNP, c’est un super chiffres d’affaires et des Panama Papers à gogo et le tout à mes dépends… Mais, bon, je n’ose m’aventurer dans un changement qui m’angoisse à l’avance.

Par contre, pour mon périple de l’été dernier, je n’avais aucune envie de me faire arnaquer par ma banque. Alors je me suis renseigné et j’ai vite trouvé deux solutions intéressantes : N26 et Revolut. Après un post interrogatif sur Facebook, mes amis m’ont conseillé Revolut et j’ai suivi leur recommandation.

Les pépites 
  • Pour créer mon compte, j’ai dû prendre mon passeport en photo ainsi qu’un selfie de ma tronche. Après quelques minutes, le comparatif (reconnaissance d’image ?) a été validé et j’ai eu confirmation de la création de mon compte. J’avais alors deux solutions : la carte de paiement virtuelle et une carte bancaire, ou bien une carte bancaire seule. J’ai opté pour la seconde version et, comme indiqué sur le site, j’ai reçu ma carte par courrier moins de 10 jours plus tard.
  • Pour alimenter mon compte bénéficiaire Revolut, j’ai dû indiquer les références de ma carte bancaires. Ensuite, il me suffisait de faire un paiement en ligne avec ma CB BNP sur mon nouveau compte Revolut. Choisir la CB, définir et valider le montant, recevoir un code par sms de la BNP, indiquer le code pour clore la transaction dans mon appli Revolut et le tour est joué : 2’ chrono grand max.
  • Pour suivre mes comptes : pour tout transfert d’argent depuis mon compte BNP ou pour tout paiement avec ma CB Revolut dans une devise étrangère, l’info des montants concernés dans la devise locale ainsi que leur conversion en euro à titre d’info ainsi que le solde de mon compte  me sont transmis par SMS quasi instantanément, tout comme la mise à jour dans mon compte visible dans mon appli.
  • Pour payer par virement ? 3 minutes suffisent. A nord de la Norvège, j’ai eu la mauvaise surprise (quoique méritée) de me prendre un PV pour un stationnement payant… non payé. Sur mon pare-brise, le PV et les codes BIC et IBAN de la Police de la commune. Même pas le temps de m’angoisser, j’ai ouvert mon appli, cliquer sur créer un nouveau bénéficiaire, indiquer les coordonnées concernées, et transférer le montant de l’amende, transfert confirmé dès le lendemain par le bénéficiaire concerné.

Je résume : en France, la BNP m’aurait demandé des commissions des preuves papiers, de passer à la banque physique…  Avec Revolut, même pas le temps d’angoisser !
 

Les transports en commun 



Les pépins

  • A Strasbourg, quand j’ai téléchargé l’appli de la Compagnie des Transports Strasbourgeois, j’ai été heureux de cette modernité. Je l’ai donc vite téléchargée pour voir les plans, les lignes, les horaires et… un onglet Points de vente qui m’indique où me déplacer physiquement pour acheter un billet papier ou une badge magnétique…

Les pépites
  • A Stockholm ou à Copenhague, nous avons décidé d’utiliser le train et le métro. A Copenhague par exemple, j’ai cherché sur Internet l’appli concernée, j’ai téléchargé l’appli et j’ai pu acheter mes billets dans les secondes suivantes. L’appli m’offre également l’accès gratuit pour 75 musées et attractions, ainsi que des réductions dans certains restaurants ! Dans le métro, il me suffit de passer mon Smartphone devant une borne pour valider mon ticket et voir le solde restant.

La location de vélo

 

Les pépins

  • J’avoue, à Paris comme à Strasbourg, je n’ai jamais osé louer un vélo en libre-service car j’ai toujours pensé que c’était super compliqué.

Les pépites
A Copenhague, un copain nous a incités à passer une journée à vélo. Du coup, pas le choix, je téléchargé l’appli et j’ai été complément scotché.
  • L’appli m’indique les plans et les itinéraires, ok c’et classique.
  • L’appli me demande si je veux louer un vélo ou plusieurs et à partir de quelle heure. JE réponds qu’il m’en faut 2 maintenant.
  • L’appli m’indique où les deux vélos les plus proches de moi sont disponibles et si je veux les réserver. Je réponds par l’affirmative.
  • L’appli me propose le chemin le plus court pour réserver récupérer le premier puis le second.
  • Je rejoins le premier vélo dont on m’a indiqué le code, je clique sur l‘appli et le cadenas se déverrouille. Idem pour le second vélo.
  • Tard le soir, je redépose les vélos dans n’importe quelle station et je clique sur l’appli pour refermer le cadenas.
  • L'appli m’indique immédiatement le montant de la location et me demande de confirmer le paiement. OK. Voilà une expérience 100% digitale.

Ma morale (personnelle) de ces histoires
 

L'innovation incrémentale (par palier) a ses limites quand la vision que nous avons du domaine concerné est en rupture. Poser des briques de digitale dans une expérience, initialement imaginée sans le digital, nécessitera du temps et de l'argent qu'il va de plus falloir jeter sous peu pour reconstruire un nouveau projet digital compatible et interconnectable avec de multiples open-innovations publiques et privées.

A bon entendeur.


mardi 25 septembre 2018

Chronique d'un prof d'université (8)

L'excitation des retrouvailles ! Oui mais...


Attendre une nouvelle saison est toujours excitant. Mais quand il ne s’agit pas de série mais d’une nouvelle rentrée étudiante, l’excitation est teintée d’un léger stress. Et quand en plus les interventions portent sur l’innovation face à des 23-31 ans, euh, le challenge du prof grisonnant n’est pas gagné d’avance.

Du coup, le prof se fait facilitateur et privilégie les conférences inversées. Et finalement, hier matin aura été super sympa-intéressant-grisant. Vivement les cours suivants. Oups. Vivement les rencontres suivantes !

 
 



dimanche 24 juin 2018

A propos de football (1)

Dans Le Tiers-Instruit (2011), le philosophe Michel Serres imagine un dialogue entre des marins et des insulaires qui oppose deux thèses, deux conceptions du football. Pour les marins, le jeu doit permettre de déclarer un vainqueur et un vaincu en un temps donné ; l'équipe qui a un nombre de buts supérieur l'emporte. En revanche, pour les indigènes, la fin heureuse du match n'est déclarée qu'à l'égalisation des points pour les deux équipes en présence ; le match dure aussi longtemps que cette égalisation n'est pas acquise.


Pendant la deuxième guerre mondiale, lors de la bataille du Pacifique, un navire de guerre américain est attaqué par l'ennemi. II s'échoue sur une île inconnue ; l'équipage survivant est accueilli par les habitants de cette île dont la civilisation est restée très proche de l'état de nature. Les rescapés, pour ne pas s'ennuyer, apprennent à leurs hôtes à jouer au football. Quelque temps après, un porte-avions américain revient chercher les survivants qui retournent se battre jusqu'à la fin de la guerre. Parmi eux, certains décident de retourner sur cette île où ils avaient connu le bonheur. Après la joie des retrouvailles, ils sont invités à assister à un match de football.

La rencontre oppose l'équipe de l'Est à celle de l'Ouest, deux villes de l'île. Superbe, dramatique, élégante, elle s'achève sur le résultat de trois buts à un, au bout de quatre-vingt-dix minutes. Les matelots se lèvent alors pour quitter le spectacle et rentrer dormir. C'était le soir. Mais non, mais non, clame la foule, qui les fait rasseoir, ce n'est pas fini.

La partie reprend de plus belle et, sous des torches vives, se prolonge la nuit. Le temps passe et les anciens matelots ne comprennent plus : exténués, hors de souffle, les joueurs tombent les uns après les autres, jambes dévorées de crampes. Mais, têtue, la rencontre continue. Chaque équipe marque et, vers les petites heures de l'aube, on en est à huit à sept. Cela devient ennuyeux.

Tout à coup, la population se lève, agite bras et mains, hurle sa joie, tout prend fin : le but de l'égalisation vient d'être tiré à bout portant par un avant qu'on porte en triomphe autour du terrain. Chacun crie : huit à huit, huit à huit, huit à huit ! Ensommeillés, abasourdis, incapables de saisir clairement l'événement, les matelots regagnent en hâte leurs cases pour se coucher.
Quelques heures après, les palabres vont leur train. Stratégie, tournois, résultats, on reprend les conversations d'autrefois. Et peu à peu la vérité se fait jour.

Les naturels (1) jouaient au même jeu que naguère, avec des équipes comprenant le même nombre d'hommes sur des terrains de même forme, mais ils avaient changé une règle, une seule petite règle.

- Une partie s'achève quand une équipe gagne et que l'autre perd, et seulement dans ce cas-là ! disent les marins. Il faut un vainqueur et un vaincu.
- Non, non, prétendent les insulaires (2).
- Comment départager alors vos équipes ? demandent les matelots.
- Que signifie ce mot dans votre dialecte ?
- Une différence de but.
- Nous ne comprenons pas vos idées. Quand vous découpez une galette selon le nombre de ceux qui sont assis autour du four, ne la partagez-vous pas ?...
- Certes.
- ...et chacun en mange une partie, n'est-ce pas ?
- Sûrement.
- Cette galette, avez-vous jamais l'idée de la départager ?
- Cela ne voudrait rien dire, protestent les marins à leur tour, bâbordais résolument ou tribordais (3) de toujours.
- Mais si, comme au football. Quelqu'un la mangera tout entière et les autres ne mangeront rien, si vous la départagez.
Les visages pâles, interloqués, se taisent.
- Pourquoi les équipes se départageraient-elles ?
- ...
- Nous ne comprenons pas cela qui n'est ni juste ni humain, puisque l'une l'emporte sur l'autre. Alors nous jouons le temps du jeu que vous nous avez appris. Si à la fin le résultat se trouve nul, la partie s'achève sur le vrai partage.
- ...
- Sinon les deux équipes, comme vous le dites, sont départagées, chose injuste et barbare. À quoi bon humilier des vaincus si l'on veut passer, comme vous, pour civilisé ?

[...] Dans les vents qui les ramenaient vers leur ville et leur famille, parmi le balancement régulier des hamacs, en équilibre doux dans le berceau de la houle, les matelots songeaient à cette terre singulière, île nulle ou tierce (4), absente des cartes marines. Ils palabraient, couchés, les mains sous la nuque :

- Dis, la dernière guerre, nous l'avons gagnée, n'est-ce pas ?
- Certes.
- À Hiroshima ?
- ...
- Gagnée, vraiment ?




Michel SERRES, Le Tiers-Instruit, 1991.
  1. Les naturels : les habitants de l'île.
  2. Les insulaires : les habitants de l'île.
  3. Bâbordais : homme d'équipage travaillant sur la partie gauche du navire
    Tribordais : homme d'équipage travaillant sur la partie droite du navire.
    L'expression signifie que les marins sont attachés à l'ordre des choses ; ils n'apprécient pas ce qui remet en cause leurs habitudes.
  4. Tierce : inconnue.

samedi 3 février 2018

Vous avez dit blockchain ?

La blockchain est bien plus qu'une technologie


Mardi dernier, j'ai parlé de blockchain à l'ENA. Bon, j’avoue que j’avais face à moi des responsables de différentes administrations de l’État réunis par la Brasserie des idées pour accélérer la transformation numérique de leurs services en relation avec leurs publics respectifs.


Cela fait maintenant trois ans que je parle de blockchain. Trois années de maturation et d'expériences diverses pour pouvoir expliquer que la blockchain est bien plus qu'une technologie. Et si j'explique cela, c'est parce que ces dernières années m'ont permis d'étudier de près le facteur humain et particulièrement les générations Y et Z, et surtout de cogérer de l'intérieur une civic tech et différentes communautés de pratiques.

Mon pitch sur la blockchain est désormais quasiment au point.

1/ Comprendre que nous vivons trois mutations profondes : numérique, environnementale, sociétale. 
Les générations Y et Z sont en effet numériques et collaboratives, organisées en tribu et fonctionnant plutôt en mode projet. 
Les usines tendent vers l'ultra-numérisation, ce qui induit l'horizontalisation des process et le désilotage des organisations.
Dans le même temps, la société française est fragilisée par trois défiances : celle des responsables politiques envers les citoyens ; des dirigeants d’entreprise envers les salariés ; des présidents d’association envers des jeunes prêts à s’investir.

2/ Comprendre qu’innover, c’est bien plus qu’optimiser : amélioration continue, ajout de nouvelles fonctionnalités à des services existants, exploration de nouvelles technologies (Blockchain, intelligence artificielle...)

3/ Comprendre que la Blockchain est une technologie inventée par des hackers, des crypto-anarchistes » suite à une succession de défiances envers les institutions, notamment après la crise financière de 2007. 
Deux cas sont souvent cités : les banques et le cadastre. Dans le premier cas, l'exemple chypriote a montré que les clients peuvent se voir déposséder d'une partie de leur argent sur simple décision étatique. Pour le cadastre, il suffit de regarder au fil des siècles le nombre d'aborigènes dépossédés de leur terre après une invasion ou un changement de gouvernement.

4/ La Blockchain est une technologie permettant d’automatiser des transactions en contournant les tiers de confiance par des contrats communiquant.
J'aime bien reprendre l'exemple des assurances en cas de retard d'un vol ou d'un train. Dans la vraie vie, c'est le parcours du combattant pour connaître ses droits et parvenir à un remboursement. Avec une blockchain, des contrats communiquant entre eux pourraient permettre le versement sur le compte  bancaire du bénéficiaire quelques minutes après la connaissance de la data indiquant le dépassement du seuil de retard. Je ne vous parle pas des effets induits et de l'impact sur la hausse immédiate des contrats d'assurance...

 5/ Plus que la techno, il s’agit de comprendre, d’entendre et d’entrevoir les nouvelles attentes pour imaginer les réponses futures : des populations collaboratives, une gouvernance en mode do-ocratie (du verbe to do, faire ; les faiseux chers à Alexandre Jardin), un environnement ultra-numérisé. Les technologies ne sont qu’un moyen d’y parvenir.

6/ Les cas d’usage sont déjà nombreux, en sus des banques, du cadastre et des assurances : crypto-monnaies, actes notariés, droit d’auteur, énergie (autoconsommation collective, certificats verts, bilan carbone, ...), logistique (économie circulaire, carnet de maintenance, mobilité transnationale), e-santé...

7/ Imaginer les effets induits en terme de financement : à l'instar du cas des assurances décrits précédemment, il convient pour l'État de s'attaquer aux impacts du financement des mutations numériques, et surtout des transferts de financement d'un vieux monde vers un monde nouveau. Il suffit de regarder le dilemme de la politique de santé publique : l'augmentation du financement pour le maintien des personnes âgées à domicile devraient normalement s'accompagner d'une diminution du financement de leur accueil dans les établissements publics...

8/ Anticiper la fracture numérique et accompagner l'inclusion numérique des personnes isolées ou non-connectées.

Voilà. N'hésitez pas à me faire part de vos remarques pour affiner et/ou corriger mon pitch.