vendredi 9 décembre 2016

Le facteur humain dans l'usine du futur (11)

Résumé des épisodes précédents. Depuis janvier 2016, j'ai chroniqué la vie d'une communauté d'industriels réfléchissant sur le facteur humain dans l'usine du futur.

Direction Sélestat où Bernard Lambert, responsable Maintenance de Wanzl, accueille cette 11ème session du groupe travaillant sur Le facteur humain dans l’usine du futur.

La dernière session de travail de 2016 s'est déroulée en décembre chez Wanzl à Sélestat. Et c’est à nouveau Mathieu Rollet, Directeur industriel de NSC Guebwiller qui anime les échanges. Après avoir rappelé les règles du jeu (suspension du jugement, liberté, bienveillance, gestion du temps…), il invite chaque responsable d'expérimentation à présenter les travaux menés dans son entreprise ainsi que les grandes idées du projet, voire des réalisations déjà mises en œuvre. 

Expérimentation chez Wolfberger


L’expérimentation en cours chez Wolfberger soulève de nombreux échanges. "Les visites d’entreprises nous ont permis de sensibiliser  la direction et d’amorcer un projet, en y affectant un budget sécurité", explique Mathieu Greffe, directeur industriel de l’entreprise. Le projet ayant pris corps, les discussions vont bon train en interne. Comme le rapporte Rabah Slimani, responsable QHSE de Wolfberger, "il faut veiller à ne pas créer de frustration. Pour demander à une responsable sécurité ou administratif de changer tel ou tel aspect, il faut des référents sécurité qui arbitrent. Ces référents sont un panel représentatif des différents métiers. Chez Wolfberger, on a mis en place ces référents, il y a un an. On a choisi de ne pas changer les règles ni la hiérarchie, mais nous avons décidé d’expérimenter des référents coaches autour de la sécurité. Sans lien hiérarchique. Leur rôle est de conseiller leurs collègues. Il a fallu expliquer au CHS-CT que nous avions besoin d’une équipe complémentaire au CHS-CT, mais davantage opérationnelle, composée des équipes-métiers concernées. On a réuni des personnes qui nous semblaient potentiellement mobilisables pour leur parler de notre projet. On a été clair, en expliquant qu’il n’y aurait pas de contrepartie financière, mais que le défi consiste à améliorer la sécurité de chacun et de tous, en les responsabilisant. C’est ensuite à moi de négocier avec leur hiérarchie pour qu’ils aient du temps pour se consacrer à cela." Une approche qui n’est pas sans rappelé celle menée chez SEW, qui avait commencé sa démarche Perfambiance par une problématique partagé par tous : la sécurité. 

Valeurs et sens 


Les échanges suivants portent sur l’axe valeurs et sens. Les réactions des participants présents ce vendredi sont, comme toujours, authentiques. Franck Keiffer, responsable RH chez Liebherr  a récemment changé de mission et recrute aujourd’hui davantage de cadres. Son constat ? "Les jeunes cadres arrivent avec des idées préconçues de l’entreprise. Ils ont l’impression d’avoir dix ans d’expérience et il est difficile de capter leur écoute pour leur expliquer comment ça marche. Par le passé, je voyais des jeunes qui venaient apprendre de la part des entreprises. Et chez les techniciens, ils ont carrément plutôt tendance à se désintéresser de leur entreprise." Un point de vue qui ne partage pas tout à fait Jean-Philippe Bootz, enseignant-chercheur à EM Strasbourg Business School. "Je vois des jeunes en Master 2 qui ont parfois trois ans d’expérience dans des entreprises où ils ont pu contribuer à des projets lourds. Et parfois, c’est vrai  qu’ils en savent effectivement bien plus que des plus jeunes embauchés par l’entreprise." Un point de vue nuancé par Georges Cierzniak, directeur technique et commercial de Spirotec. "Les jeunes doutent de leurs connaissances, mais ils ont des idées précises sur leur avenir. Ils ont pourtant la frousse de ce qu’ils ne connaissent pas. De ne pas y arriver."

Lors de cette session chez Wanzl, les participants ont également apporté leur témoignage vidéo dans ce reportage réalisé par Sébastien Ruffet (Médiamo) pour le compte d’EDF.


Un bilan après un an de travaux sur le facteur humain dans l'usine du futur 


Après quelques échanges sur d’autres ateliers, la fin de la réunion approche et Mathieu Rollet (NSC) demande à chacun d’exprimer un apprentissage que lui a apporté ce groupe de travail. 

Franck Keiffer (Liebherr) : "Au sein du groupe, les échanges sont très intéressants, très enrichissants. Pour comprendre l’amorçage de ces projets, avec Wolfberger et EDF, nous avons visité des entreprises qui sont en transformation numérique et digitale. Ces rencontres ont également nourri ma réflexion.  Aujourd’hui, il va falloir optimiser le temps que je consacre à ce groupe de travail, mais nous sommes mûrs pour aller à l’essentiel." 

Bernard Lambert (Wanzl) : "C’est de plus en plus riche. Ce qui me plaît bien, c’est de parler de résultat non abouti et de comprendre où ça a coincé. L’échange nous permet de trouver des réponses entre nous." 

Stephan Kohler (Liebherr) : "En ce moment, je contribue à la rédaction de fiches-projets des travaux de notre groupe de travail et de la fiche de l’expérimentation que nous avons entreprise chez Lieherr, et cela m’aide à synthétiser les idées et les étapes. Arrivé à ce stade, c’était nécessaire car nos échanges ont été très riches. On a vraiment un groupe d’écoute bienveillante, sans donneur de leçons. Mon attente, c’est de réussir ce projet que nous avons appelé «Nouveau débit» dans notre entreprise. Notre investissement financier sur ce projet est important et on y arrivera si on sait miser sur le facteur humain." 

Anne Boileau (Meca-service) : "Sans le facteur humain, on ne passera pas le cap de l’usine du futur. J’étais venu chercher des outils, mais ce sont surtout les échanges au sein de notre groupe de travail et les expérimentations menées par les uns et des autres qui nous enrichissent, nous confortent et nous font réfléchir. Néanmoins, le format de nos sessions de travail, étalé sur une journée, est un peu long." 

Mathieu Rollet (NSC) : "La roue des clés de la performance a structuré ma réflexion. Sinon, comme l’ont dit mes collègues du groupe, j’apprends énormément et ça me permet de me mettre en mouvement. Une journée entière par mois, c’est peut-être un peu long, mais il faut rester sur la périodicité d’un mois pour maintenir notre dynamique." 

Mathieu Greffe (Wolfberger) : "J’avais parfois du mal à trouver de l’intérêt et j’étais parfois frustré que nous ne déployions pas davantage certaines thématiques. Mais, en fait, on parle très franchement entre nous, et on n’hésite pas à évoquer nos difficultés, comme nos réussites. C’est d’autant plus appréciable et ça a vraiment fait avancer nos réflexions en interne chez Wolfberger." 

Bernard Bloch (EDF) : "On voit le groupe de travail évoluer. L’air de rien, on est en train de basculer de la co-réflexion à l’entraide. Et c’est aussi ce processus que j’essaye d’instiller au sein d’EDF et d’ÉS. J’adore retrouver les membres de ce groupe de travail car notre dynamique est vraiment collective. Et c’est justement cette dynamique que j’essaye de retranscrire dans les chroniques que je rédige : la dynamique industrielle et humaine d’un groupe en mouvement, avec ses doutes et ses espoirs, et avec son envie commune de participer activement à la transformation des entreprises de chacun des membres." 

Jean-Philippe Bootz (EM Strasbourg Business School): "Les acquis de ce groupe de travail sont devenus des outils qui favorisent les projets opérationnels des uns et des autres. Et c’est vrai que vous vous dites les choses franchement. La session d’aujourd’hui me rassure encore plus, car vous avez repris une logique d’animation et vous avez maintenant des supports sous forme de fiches d’actions et d’expérimentations, et ceci structure vos réflexions. Ce passage est obligé pour redonner une cohérence globale au groupe de travail et aux thématiques développées. Je trouve qu’en termes de résultats, c’est assez impressionnant. On voit qu’on commence à se projeter sur des projets concrets." 

Mireille Hahnschutz (CCI) : "On pourrait réfléchir à consacrer des temps plus longs pour approfondir tel ou tel sujet. Ou telle thématique ou expérimentation en cours." 

"La communauté de pratique a-t-elle toujours besoin d’un animateur ?" 


Mathieu Greffe (Wolfberger) : "On fait vivre nos sous-groupes en toute autonomie. Par contre, en groupe, il  nous faut un animateur, mais on peut assouplir leur fonctionnement." 

Mireille Hahnschutz (CCI) : "Un enjeu important était de passer le cap des quatre premières réunions où deux coaches ont animé le  groupe de travail pour impulser la dynamique et transmettre des outils d’animation. Mais passées ces étapes de sessions accompagnées, l’enjeu consistait à voir justement si le groupe de travail avait la capacité de continuer ou pas et, si oui, de s’autogérer. J’avoue que j’ai eu une période de doute quand le groupe a oublié de s’auto-animer, mais il en a ressenti le besoin et, depuis qu’un des membres assure l’animation, le groupe a retrouvé sa dynamique intrinsèque." 

Rabah Slimani (Wolfberger) : "Je suis là depuis trois sessions. Après la première, j’étais perdu. Aujourd’hui, j’aimerais participer à tous les sous-groupes de travail, mais ce n’est pas malheureusement pas possible. Les thématiques que nous abordons sont vraiment d’actualité et ce sont celles qu’on lit effectivement dans la presse économique et sociale. Concernant la thématique Rémunération, je parlerais plutôt de rétributions et de qualité de vie au travail." 

Mireille Hahnschutz (CCI) : "Je connais effectivement beaucoup d’entreprises qui veulent vraiment bosser sur l’environnement de travail, davantage que sur les rémunérations."

Après ces échanges, les participants présents ont retenu le principe suivant : ils continueront à se retrouver une fois par mois, mais à raison d’une demi-journée, et toujours le vendredi après-midi. De plus, le groupe fonctionnera avec un animateur auto-désigné et un programme offrant davantage de souplesse pour favoriser les échanges et l’approfondissement de questions plus pointues, à mesure que l’on analysera dans le dur les expérimentations autour du facteur humain menées par les participants au sein de leur entreprise qui se transforment en usine du futur, petits pas par petits pas.

A noter que l’état des lieux des réflexions et projets sur l’usine du futur, récemment réalisé par l’Alliance Industrie du futur, le confirme : ce groupe de travail est le seul en France à réfléchir sur l’axe Facteur humain. Assurément une motivation supplémentaire pour tous les participants. S’il en était besoin.

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